Théologiens musulmans : le défi – Marianne Belgique p.15

Ci-dessous ma chronique parue dans l’hebdo Marianne-B de cette semaine:

Le musulman qui change de croyance mérite la peine de mort”. Ainsi statue au Maroc le Conseil Supérieur des Oulémas par une Fatwa d’avril 2012, publiée la semaine dernière dans un recueil. Une décision en conformité avec deux hadith (paroles) du Prophète. Si j’ai bien compris, la sanction est applicable partout – même en Europe. Sympathique…

Cette Fatwa fait hurler nombre d’intellectuels musulmans, qui la taxent de « jurisprudence arriérée et moyenâgeuse ». Leur juste indignation est un défi pour les théologiens. Les catholiques ont connu l’inquisition et les guerres de religion. Pour refermer ces pages honteuses de l’histoire, il a fallu la contestation des croyants, mais également la réflexion théologique. Un théologien n’a pas pour vocation de répéter les préceptes sacrés à la manière du perroquet. S’il a reçu un cerveau de son Créateur, c’est pour s’en servir quand il commente la Parole divine. Ainsi Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, qui enseigne que pour accéder à la révélation coranique, il faut extraire l’éternelle Parole divine de son substrat historique – le tribalisme arabe du VIIe siècle. Oubrou et ses semblables sont combattus par les fondamentalistes. Alors, au lieu de sombrer dans l’islamophobie bête et méchante, soutenons les authentiques théologiens musulmans. Leur défi est de prendre au sérieux la sourate : « Nulle contrainte en religion » (verset 256 de la Sourate II – La vache, Al-Baqarah).

« Comme… » – 5° dimanche de Pâques, Année C

« Comme Je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres » (Jean 13, 31-35)

Parfois un petit mot peut transformer le sens d’une phrase. « Aimez-vous les uns les autres… » La formule peut s’appliquer à des supporters d’un club de foot ou à des fans d’une idole pop. Mais Jésus ajoute ce petit mot: « comme… », qui change tout : « Comme Je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres ». Là, cela devient beaucoup plus sérieux. Car le Christ nous aime d’un amour sans concession. Un amour qui donne tout et qui va jusqu’au bout. La « gloire » de Dieu se manifeste quand Il dit qui Il est, en aimant sans mesure.

Une maman me confia récemment que son jeune adolescent de fils s’était plaint : « Pourquoi ne m’achètes-tu pas des vêtements de marque – comme en ont tous mes copains de classe ? » La mère tenta de lui expliquer qu’elle n’en avait pas les moyens, car elle l’éduquait seule. Le gosse ne comprit pas et s’en alla râler dans sa chambre. Plus tard, il faut espérer qu’il saisira que la « gloire » de sa mère, ce sont les sacrifices qu’elle a faits pour que son enfant grandisse dans de bonnes conditions. Espérons qu’à son tour, ce fils apprenne à aimer « comme » il a été aimé. Cela vaut tout de même mieux que de porter des fringues de marque…

Affaire « Femen » – « Les photographes n’ont fait que leur boulot »… ?

Guy Haarscher est un des intellectuels libre-exaministes les plus en vue à l’ULB. Il était le contradicteur de l’archevêque de Malines-Bruxelles, lors du débat sur le blasphème, au cours duquel ce dernier fut copieusement arrosé par un commando « Femen ». Dans une interview parue sur le site du quotidien « La Libre », le Professeur Haarscher se dit choqué par cette action et il ajoute: « Ce qui me choque le plus, c’est l’attitude des photojournalistes présents. Quand on est arrivé dans la salle, nous étions tous les deux surpris par le nombre de photographes. Ils étaient une dizaine ! Ils ont évidemment photographié toute la scène… puis sont partis avec les Femen. C’est donc important de dénoncer cet évènement concocté entre les Femen et les photographes pour vendre leurs images ».  
Réaction d’un membre de la rédaction en p.8 du quotidien « La Libre » de ce jour: « Dans un entretien à lire sur lalibre.be, Guy Haarscher ne cache pas qu’il a été choqué par les photographes de presse… qui n’ont pourtant fait que leur métier… » La même réponse m’a été faite par une internaute sur Twitter: « Sauf qu’ils (les photographes) faisaient juste leur boulot … ils ont été prévenus et sont venus exprès – c’est ça #Femen! »

« Ils n’ont fait que leur boulot »… Sans être un expert en déontologie journalistique, je me permets de partager le malaise de Guy Haarscher. Où commence et où finit le « boulot » du photographe de presse? S’il est présent à une conférence et qu’un incident advient, bien sur qu’il doit prendre des photos. Ainsi, la presse à servi de formidable caisse de résonance aux attentats de Boston. Indirectement, cela encouragera d’autres attentats – soyons en sûrs – mais ce ne sera pas de la faute des journalistes, qui « ne font que leur boulot ».
Reste la question des limites de ce « boulot »: Comment doit réagir un photographe de presse, lorsqu’on l’avertit qu’une atteinte à l’intégrité d’un conférencier va être commise? S’il accepte de venir prendre des photos, il ne peut ignorer qu’il encourage indirectement l’agression, en assurant aux provocateurs la publicité de ses clichés. Quid si l’archevêque avait eu le cœur fragile et que – surpris par violence symbolique de l’action des Femen – il avait fait une crise cardiaque? Quid si l’action avait remplacé l’eau par un acide? Loin de moi l’idée d’accabler les photographes présents lors de l’action Femen. Mais l’indignation du professeur Haarscher mérite une réponse plus élaborée qu’un péremptoire: « ils n’ont fait que leur métier ». Quand un photographe « fait-il son boulot » et quand devient-il indirectement complice? Comparaison n’est pas raison, mais le personnage du journaliste « Rémy » dans le film culte « C’est arrivé près de chez vous » n’a pas fini de nous interroger.

La démocratie ne nous est pas naturelle.

Récemment, je reçus un mail aigre-doux d’une militante du droit à l’euthanasie, me disant toute sa déception de me voir soutenir une plateforme s’opposant à l’élargissement de la loi actuelle sur la fin de vie en Belgique. Ma correspondante est une personne que j’estime, mais  je lui répondis que j’étais – quant à moi – déçu de me voir reprocher d’exercer mon droit démocratique à exprimer une opinion. Cette mienne opinion est sans nulle doute perçue comme arriérée ou obscurantiste par mes contradicteurs – et peut-être ont-ils raison – mais est-ce une raison suffisante pour la censurer?

Reconnaissons-le tous une bonne fois pour toute: La démocratie ne nous est pas naturelle. Bien sûr, nous nous déclarons de grands adeptes de la liberté d’expression… Mais, en réalité, cela s’applique uniquement envers ceux qui nous confortent dans notre opinion. Quant aux autres: Notre « belle ouverture d’esprit » leur concède tout juste le droit de penser autrement… en grand silence. Quand ceux-ci ont l’outrecuidance d’exprimer hautement une opinion qui dérange et contrarie – alors stupeur et tremblement. Nous voilà soudainement choqués et furieux: « Comment ose-t-on? » Non, décidément: la démocratie ne nous est pas naturelle. Pas étonnant que les parlementaires britanniques se font face, séparés par la longueur de deux lames d’épées dressées l’une contre l’autre. La démocratie est une éthique du débat qui s’apprend… ou se perd.

Ainsi: Est-il choquant que de nombreux Français descendent dans la rue pour exprimer – sans homophobie – leur opposition à une loi sur le mariage et l’adoption par des couples homosexuels? A en entendre certains – et non des moindres – ce serait déjà une expression de haine et de rejet. Pourtant, voilà enfin un débat de société – « c’est quoi une famille? » –  qui est à la portée de tous (bien plus compréhensible que les critères de stabilité budgétaire européens). Réjouissons-nous donc, à une époque où tant dénoncent le désintérêt croissant pour la politique, que le peuple se passionne pour un tel débat. Est-il donc démocratique de prendre une attitude outrée d’élite bienpensante – du genre: « Les manifestants ne sont sympathiques que quand ils pensent comme moi? Quand ce n’est pas le cas, ce sont, soit des égarés, soit des fachos ». A contrario: Est-il antidémocratique que – malgré cette opposition – une majorité parlementaire vote une loi sur le mariage et l’adoption par des couples homosexuels qui est inscrite à son programme? Le parlement n’est-il l’expression de la souveraineté populaire que quand cela nous convient? Si cette loi dérange, en démocratie il n’y a pas à appeler à l’émeute – comme j’ai entendu d’aucuns le faire. Si vous n’êtes pas d’accord, attendez les prochaines élections pour changer de majorité et revoir la loi. La démocratie est une éthique du débat qui s’apprend… ou se perd.

Ainsi encore: Est-il justifié d’arroser d’eau l’archevêque de Malines-Bruxelles – un homme de 72 ans – invité à s’exprimer au sein d’une université, devant un public qui ne lui est pas naturellement acquis?   Raison: « Femen ne tolère pas qu’il veuille imposer cette chasteté à la communauté homosexuelle ». Or qu’a exprimé Mgr Léonard à ce sujet dans une interview au quotidien bruxellois « le Soir »? Interrogé sur la question de l’homosexualité, le prélat avait d’abord soupiré, en disant qu’il souhaitait vivement parfois être interrogé sur d’autres sujets. C’était tout juste avant Pâques et il espérait , sans doute, naïvement pouvoir parler de cette fête, qui est la plus importante du calendrier chrétien. Devant l’insistance des journalistes, il a alors rappelé, une fois de plus, le point de vue de l’Eglise catholique sur la question: Soit, que l’homosexualité est « une donnée que les gens découvrent en eux-mêmes et dont l’origine reste un peu mystérieuse. Il n’y a pas de responsabilité morale là-dedans ». Suite à une nouvelle question, Mgr Léonard ajouta: « Quand je m’adresse à des chrétiens, je les invite à assumer cette situation dans une forme de célibat, comme on le fait dans beaucoup d’autres cas. Mais même des non-chrétiens peuvent percevoir cette exigence dont le fondement est de nature philosophique. Il y a des gens qui en fonction de leur santé, leur situation familiale, professionnelle, sont immanquablement conduits à faire le choix d’une vie de célibataire ». Peut-on m’expliquer en quoi l’archevêque a voulu « imposer » quoi que ce soit à qui que ce soit? Il a répondu par politesse à une question en expliquant ce qu’il conseillait aux personnes lui demandant conseil. Je doute que les « Femen » fassent partie du lot. Il n’y a donc qu’un seul point sur lequel je rejoins les « Femen »: L’une d’entre déclara que durant leur « action » l’archevêque « a été très calme, il a pris une position de prière et il faut croire qu’il a prié pour nous ». Oui – Mesdames – je connais assez l’archevêque pour confirmer: « Il priait pour vous. Pas par dépit ou condescendance. Par pure bienveillance ». Alors, dites-moi: Qui se conduit ici en démocrate? La démocratie est une éthique du débat qui s’apprend… ou se perd.

 

« Parole de berger » – 4° dimanche de Pâques, Année C

« Mes brebis, personne ne les arrachera de ma main » (Jean 10, 27-30)

C’est une expérience que font des professeurs, les éducateurs, les hommes et femmes consacrés, les prêtres… et les parents. Un jeune que l’on a connu démuni à l’enfance et rebelle a l’adolescence, nous confie – devenu adulte : « Tu sais, sans toi je ne serais pas celui que je suis. Tu as été là quand j’avais besoin de toi ». Alors, une immense fierté et gratitude nous envahit. Nous sentons que nous avons été un berger pour ce plus jeune.

Le Christ, Lui, est le Berger du chemin qui mène vers le Père. Il s’engage envers ses brebis et ne les laissera pas tomber : « Moi, je les connais. Elles me suivent. Personne ne les arrachera à ma main ».  Il est le bon berger et nous conduit vers le Père.

En ce dimanche des vocations, prions pour que – aujourd’hui encore – des jeunes entendent la voix du bon Pasteur et se mettent à sa suite.  Afin de devenir bergers à leur tour pour leurs frères. Comme époux et parents pour la plupart. Par un célibat généreux pour d’autres. Comme prêtres, religieux ou religieuses pour certains. Autant de chemins de sainteté différents pour suivre l’unique Pasteur.

« Vieux couples, jeune amour » – 3° dimanche de Pâques, Année C

« Est-ce que tu m’aimes ? » (Jean 21, 1-19)

Regardons certains vieux couples. Ils ne vivent plus les émois des premières années, mais leur amour a grandi – à travers crises et épreuves – vers une tendre complicité. Même centenaire, l’élan de leur cœur est resté jeune. Il existe d’autres couples qui fonctionnent malheureusement plutôt par habitude, par résignation, voire par ennui. Ce n’est pas forcément de leur faute. La vie est parfois cruelle. Mais la réalité est là : leur amour a mal vieilli.

Il en va de même pour la foi de notre baptême. Sommes-nous restés chrétiens par habitude, par résignation et par ennui ? Ou bien  – à travers crises et épreuves – notre complicité avec le Christ s’est-elle renforcée ? Tel est le sens de la question, trois fois posée par le Christ, à son apôtre Pierre – qui l’avait par trois fois renié : « M’aimes-tu par habitude ou du fond de tes entrailles ? » Et Pierre de se rendre compte de l’indigence de son amour. Il pleure, mais répète : « Seigneur, tu sais tout – ma lâcheté et mes peurs – mais tu sais aussi que je t’aime ». Et parce que cet homme faible et pécheur aime le Christ, Celui-ci le confirme dans sa mission de chef de l’Eglise : « Sois le berger de mes brebis ».

C’est un peu cela le message que notre nouveau Pape – successeur de l’apôtre Pierre –  lance à toute l’Eglise : Si votre amour pour le Christ a mal vieilli et que vous vous découvrez chrétien plus par habitude que par joie profonde, revenez à la Source. Priez l’Esprit pour qu’Il rajeunisse l’élan de votre cœur.   

Le chemin de Damas et l’hôtel de Justin

Sur la route de Syrie
Emouvants récits, publiés dans le quotidien « La Libre » de ce jeudi (p.4), de deux parents de jeunes dhihadistes, partis se battre en Syrie. Sean a 23 ans et est le fruit d’un amour d’étudiants. Il a toujours vécu avec sa maman, d’origine congolaise, entre Molenbeek et Laeken. Il a étudié à l’Athénée Royal de Jette, puis entrepris des études de tourisme au Ceria. “À 21 ans”, raconte son père imprimeur, “le frère d’un de ses meilleurs amis, Sébastien, est décédé dans un accident. C’était un drame. Ils ont fait des prières à la mosquée. C’est comme cela que cela a commencé. Sean a lu le Coran. Il s’est converti. Au début, il n’était pas très engagé. C’est venu progressivement. Il s’est converti à la nourriture halal. Il a commencé à écouter des sourates dans son MP3 quand je travaillais avec lui”. Le fait que Sean était métis (tout comme Sammy d’ailleurs) l’a sans doute aidé “à s’intégrer plus facilement dans la communauté nord­-africaine”. Le père pense que son fils cherchait sa destinée et son identité. “Il voulait faire l’islam à fond, un islam sincère et pur”, dit­-il. L’été dernier, le jeune Laekenois est parti faire le pèlerinage de La Mecque comme tout musulman doit le faire une fois dans sa vie. À son retour, il s’était laissé pousser la barbe. Aurait­-il dû s’alarmer ? A posteriori, le père regrette. “Moi je suis bouddhiste”, répond-­il. “J’ai une grande ouverture d’esprit. Je me suis dit qu’il devait faire son expérience. Je lui donnais cet espace de confiance. Mais je regrette. J’aurais dû intervenir. Mais que peut­-on dire à un jeune de 23 ans ?” Sammy est né à Bruxelles le 9 août 1989, d’un père catholique, d’origine ivoirienne, et d’une mère belge, qui milite depuis longtemps dans les mouvements pour la paix. Ils sont aujourd’hui séparés. “S’il n’était pas dans la religion musulmane, il aurait été curé dans la religion catholique”, dit de lui sa mère. Car Sammy a connu un élan religieux très tôt. À l’âge de sept ans, à la suite d’un cours de religion catholique, il demande à être baptisé. Adolescent, vers 14­15 ans, il se convertit à l’islam, une religion qu’abhorrait son père. “Je n’ai pas montré de désaccord”, dit sa mère. “J’ai dit: c’est ton choix. Je me suis levé parfois à 5 heures du matin pour lui préparer à manger pendant le Ramadan !”. Là aussi, la radicalisation est venue en douceur. “Je suis presque sûr que c’est un cheminement”, dit sa mère. “Il y a eu des rencontres. Il voulait se marier et inviter un imam de Molenbeek qui, disait­-il, faisait des prêches magnifiques”. Sammy, qui vit chez son père, renonce à des études de droit devant le bureau des inscriptions à Saint­-Louis. Il se lance alors dans les petits boulots. (…)  En novembre, alors que la mère de Sammy se trouvait en Allemagne et que le père de Sean était en Espagne, le groupe de Laeken est parti pour la Syrie. Les parents n’ont eu des nouvelles que plusieurs semaines après. Sean a téléphoné pour dire qu’ils étaient en Turquie, à faire de l’aide humanitaire dans les camps de réfugiés syriens. “C’était leur couverture pour aller en Syrie”, dit la mère de Sammy. Le père de Sean demande aujourd’hui qu’on ne juge pas son fils comme un “terroriste”, mais comme un jeune converti, parti chercher sa voie à l’étranger. “Ils étaient en recherche d’une identité propre”, dit­-il. La mère de Sammy, elle, a de temps en temps un contact avec son fils sur Skype ou par des appels de GSM dont les numéros changent constamment. Son fils lui a dit qu’il voulait se marier en Syrie. “Je lui ai dit de rentrer, car il va se faire tuer”, dit­-elle. “Il me dit que sa vie est là­-bas. Il m’a assuré qu’il avait ses papiers avec lui. Je n’ai pas senti de contrainte. Moi qui ai milité dans les mouvements pacifistes, je sais que mon fils porte la kalashnikov. Je ne l’accepte pas. Mais il ne veut pas rentrer”.

Sur le parvis de l’hôtel
Ces récits mettent l’opinion publique belge mal à l’aise. Réaction paradoxale. Comment jugerions-nous un jeune qui, en 1940, serait parti pour Londres, afin de combattre les nazis? Nos gouvernements soutiennent l’opposition syrienne… Pourquoi, dès lors, s’inquiéter du fait que certains de nos jeunes compatriotes s’engagent à son côté? La cause syrienne serait-elle moins noble? Non. Alors quelle différence? Le bourrage de crâne de ces jeunes et le fait que notre perception du conflit syrien change. Cette guerre civile nous apparaît moins comme une lutte de libération et plus comme un conflit de religion. Conflit entre l’orthodoxie sunnite, soutenue par le Qatar, et la « secte » alaouite qui détient les rennes du pouvoir, aidée par ses cousins shiites d’Iran. Un conflit qui tient la population en otage. Cette lecture des choses n’est pas tout à fait exacte. La cause de l’opposition syrienne mérite le respect. Mais la tournure des printemps arabes a rendu l’opinion publique occidentale prudente. A la manière de nombre de chrétiens d’orient. D’où le malaise: Pourquoi nos jeunes partent-ils rejoindre des hordes de barbus fanatisés? La réponse est pourtant connue. A la manière des combattants marxistes une génération plus tôt, ils sont en quête d’identité et d’idéal. Quête stupide ou méprisable? Nullement. Dévoyée? Partiellement, sans aucun doute. Mais d’autres quêtes moins périlleuses, n’en sont pas pour la cause plus édifiantes. En p.33 du quotidien « le Soir » de ce jour, je lis que la venue de Justin Bieber en Belgique créé l’habituelle hystérie collective. Une mère déclare: « Je suis ici pour ma fille. Justin est tout pour elle. Je l’accompagne lors du jour le plus important de sa vie. C’est un événement exceptionnel ». Une jeune fan déclare: « Hier, j’ai attendu quatorze heures devant l’hôtel en espérant le voir. Je l’aime tellement. J’espère le voir aujourd’hui. J’attendrai toute la journée s’il le faut ». Un garçon renchérit: « Justin est mon héros. J’aimerais être capable de m’habiller aussi bien que lui, d’être aussi beau et drôle ». Je n’ai rien contre le jeune chanteur canadien, mais en lisant cela,  je pense très fort: « Allo, non mais allo quoi! » Et soudainement, je comprends mieux ce que sont partis chercher Sean et Sammy sur la route de Damas.

Prions pour le peuple syrien et pour ces jeunes combattants, pétris d’idéal autant que de fanatisme.

 

In memoriam « The Iron Lady »

Margaret Thatcher est décédée aujourd’hui. Ainsi se referme une page de la grande histoire qui rejoint des souvenirs bien personnels. En septembre 1979, je pars à presque 16 ans étudier deux années dans un « United World College » au sud du pays de Galles.  La Dame de fer est alors aux affaires depuis quelques mois seulement. Prétendre qu’elle était populaire en terre galloise, surtout dans un milieu internationaliste comme celui que je fréquentais – serait mentir. Beaucoup de mes condisciples britanniques arboraient alors un petit badge qui énonçait: « I didn’t vote Tory » (« Je n’ai pas voté conservateur »). Nous – c’est-à-dire les étudiants du reste du monde – nous amusions gentiment de cela, en nous demandant qui avait finalement voté pour cette Dame de fer, lui octroyant une majorité si confortable aux Communes? Je me souviens également d’avoir entendu, lors d’une des traditionnelles conférences du vendredi soir dans la grande salle du collège, Len Murray, le charismatique secrétaire général du TUC (coupole des syndicats britanniques) conclure son exposé par un vibrant: « Quoi qu’elle fasse, elle se trompe! ». Cela n’empêchera pas ce socialiste convaincu de terminer sa carrière comme ‘Baron Murray of Epping Forest’. C’est cela aussi, le Royaume-Uni.

L’héritage politique
Les années ’80 – les hyppies passent de mode. Place aux yuppies. Plus de fleurs dans les cheveux et de combi volkswagen dans les prés. Mais du champagne au frigo et la Golf GTI au garage. Avant j’écoutais Neil Diamond chanter « Johantan Livingstone Seagul ». Désormais, je découvre « The Wall » de Pink Floyd. Le monde se fait plus réaliste, moins guimauve, plus dur, plus fluide aussi. La Dame de fer est une des icônes de cette période aux côtés de son frère d’arme – le vieux cow-boy Reagan. Courage politique et patriotisme sans complexe. Dire que la majorité des Belges ont apprécié le Thatcherisme, serait mentir. Nous sommes trop Européens pour cela. Mais admirer la trempe de la Dame de fer – certainement. Surtout à l’époque de la terrible crise des Falklands.
Son véritable héritier politique? Sans hésiter: Tony Blair. Avoir converti ses opposants politiques à une bonne partie de sa révolution sociale, restera sans aucun doute sa plus durable victoire. Le Blairisme, c’est le Thachérisme avec plus de com et de cœur. La force publique se fait l’alliée de l’ascenseur social. La social-démocratie comprend que la santé démocratique se joue auprès des classes moyennes.

Le passif économique  
Nous sommes en 1982. Je me souviens de mes cours d’économie politique à l’Université Saint-Ignace d’Anvers, avec le Pr E. Van B. A juste titre, cet académique dissociait les politiques économiques de Reagan et de Thatcher. Le premier appliquait la « supply-side economics » – une économie de relance par l’offre. Le président/cow-boy pouvait se le permettre, vu que le dollar était la monnaie de réserve du monde entier. L’oncle Sam relançait son économie par l’endettement, sans risquer l’hyperinflation. Cela mit à genoux l’Union Soviétique et les dollars de la dette américaine servirent de monnaie de réserve aux pays prêteurs. (C’est encore le cas aujourd’hui). Madame Thatcher, elle, appliquait une politique monétariste stricte – en disciple de Milton Friedman. L’inflation était l’ennemi public n°1. Le remède était de maitriser la masse monétaire. Pour ce faire, il fallait couper sans états d’âme dans les dépenses publiques, afin de résorber le déficit structurel de l’état et rendre confiance en la livre sterling. Fille d’épicier, elle savait que les comptes devaient être en équilibre pour que la boutique tourne rond. « I want my money back! » Et mon prof d’économie de l’époque, pourtant grand libéral devant l’Eternel, de conclure: « C’est une femme courageuse, mais sa politique économique ne marchera pas à long terme ». La Dame de fer a voulu comprimer les dépenses publiques, en liquidant la vieille industrie et en faisant confiance au monde de la finance en plein boom. La City et le quartiers londonien de Canary Wharf se sont développés. Et avec eux, l’économie casino. Celle-ci créa une masse monétaire parallèle énorme, bien peu compatible avec la discipline monétariste. Un quart de siècle plus tard – avec la faillite de Lehnman-Brothers en 2008 – le système s’est enrayé, suite aux mauvais crédits immobiliers… américains. Le véritable curateur de faillite du Thachérisme fut Gordon Brown. Pour sauver le système financier mondial en pleine crise de confiance, cet autre successeur de la Dame de fer endetta les états occidentaux, en les proposant  comme garants des banques en faillite virtuelle. C’est la fable de l’épicière économe et pas trop prêteuse – qui a veillé toute sa vie à ne pas s’endetter. Afin d’encore pouvoir vendre quelque chose, la voilà désormais obligée de faire crédit à ses meilleurs clients, qui ont soudainement perdu leur fortune en bourse. Le pays de Madame Thatcher se doit de relever aujourd’hui des défis de taille – comme la plupart de ses voisins européens: Parmi ceux-ci, comment réindustrialiser dans une économie mondialisée? Comment comprimer les dépenses publiques dans un monde où les monnaies n’ont aucun étalon objectif pour mesurer leur valeur réelle? Un monde plus complexe et polymorphe encore, que celui que connut la Dame de Fer. Mais où ses qualités de leadership et son courage politique demeurent des valeurs sures qui, elles, ne craignent pas l’inflation…

 

Dur, dur d’être politicien(ne)… Surtout ministre de l’enseignement

Dans le courrier de « La Libre » de ce jour, un lecteur mécontent attribue à la Ministre de l’enseignement obligatoire, la responsabilité du changement de nom des vacances, qui fit le « buzz » il y a quelques jours dans la presse et dont j’ai traité dans ce blog, sous forme de clin d’œil – par un post du 2 avril: « Le pays où les blagues les plus courtes ne sont pas toujours les meilleures ». Intitulée « un certain reniement de nos racines », l’intervention du jour dans La Libre (p.47) regrette, entre autre, que – je cite – « la ministre CDH de l’Enseignement obligatoire remet une nouvelle couche sur l’appellation des vacances scolaires, confirmant le bannissement de ces horribles termes de Pâques et de Noël. N’y a­-t-­il pas là un certain reniement, un certain refus, une certaine honte de ce que nous sommes, un rejet de nos origines, de nos racines ?« 

Si je rejoins notre lecteur sur le fond de la question, il y a une vérité à rétablir. La Ministre Marie-Dominique Simonet a bien un projet de décret qui simplifie la procédure et permet la prévisibilité des congés en fonction des fêtes chrétiennes (sic), mais ce décret ne concerne en rien un changement de nom des périodes de vacances. Et ceci, tout simplement, parce que ces appellations… sont déjà changées depuis belle lurette. Il suffit pour s’en convaincre d’aller sur le site du moniteur belge et de constater que les arrêtes qui fixent les congés depuis 1999 avaient déjà modifié les appellations. Madame Simonet, elle-même, s’est d’ailleurs déclarée attachée aux dénominations traditionnelles.
Bref, de petits malins ont changé, il y quelques années, le nom des congés sans que personne ne s’en rende compte. Dommage. Mais ce n’est tout de même pas une raison pour tirer sur la ministre du moment, qui – elle – ne fait que respecter la loi. Quelle que soit la couleur politique du mandataire, il est parfois bien ingrat le métier de politicien(ne)… Surtout à l’enseignement.