Capitale de l’Union européenne – Et le modèle hollandais?

Ce mercredi, les parlementaires européens ont donc voté à une écrasante majorité (483 voix sur 766), une résolution demandant une révision des traités européens, afin de permettre au parlement de se choisir un siège unique. Derrière cette décision, il y a la volonté ferme et durable de l’assemblée de faire de Bruxelles – où se déroule la majorité de ses activités – son siège unique au détriment de Strasbourg – siège officiel du moment. (Signalons que la résolution fut néanmoins votée… dans la capitale alsacienne). La raison de cette volonté de changement est connue: Les douze sessions obligatoires à Strasbourg déplacent plus de 4000 personnes. Un joli ballet, qui coûte annuellement près de 200 millions d’euros au budget de l’Union. Autant dire que – outre la perte de temps et d’énergie – cela a quelque chose de profondément choquant – surtout par temps de crise économique.

Et maintenant? Avant les élections européennes de mai, la ferme résolution des parlementaires aura tout au plus un impact symbolique. Quant à une chance de voir aboutir le projet – c’est zéro. Une révision des traités requiert l’unanimité des pays membres et jamais Paris ne cèdera. Mais il y a plus: Toute personne qui connaît et aime l’Hexagone vous le confirmera: Pour que les Français, aiment l’Europe, il faut que l’Europe soit un peu française… Et personne n’a intérêt à fâcher la France avec l’Europe.

Alors, au lieu de continuer à jouer ce stérile bras de fer, essayons la créativité. Aux Pays-Bas, il y a une capitale officielle qui est Amsterdam et une capitale de fonction qui est La Haye. Pourquoi ne pas penser l’Union européenne sur un modèle quelque peu identique? De par son poids symbolique, Strasbourg – symbole de la réconciliation franco-allemande – serait reconnue comme capitale politique et diplomatique de l’Union. L’ouverture solennelle de l’année parlementaire s’y déroulerait, ainsi que la clôture de ses travaux. Le président du Conseil européen y résiderait et y recevrait avec le président de la Commission, les chefs d’états en visite. Pour le reste, le parlement, la commission et le conseil siègeraient à Bruxelles, capitale gouvernementale et administrative de l’Union. Luxembourg – ne l’oublions pas – serait confirmé comme capitale judiciaire.

Pareille adaptation limiterait le nomadisme des élus et fonctionnaires européens, sans pour autant blesser la fierté nationale de l’Hexagone. Une plus grande lisibilité des sièges européens, de meilleures conditions de travail pour élus et fonctionnaires et une économie budgétaire pour la population – voilà un bon début pour réconcilier les citoyens avec la grande idée des pères fondateurs.

Dis-moi ce que tu gagnes… et je te dirai combien tu vaux

Ce dimanche sur le plateau TV de « Revu et Corrigé » (RTBF – la « Une »), je me sentais quelque peu extraterrestre en rappelant que le salaire seul, n’avait pas à être la mesure exclusive de compétence humaine. Que parfois même, il pouvait avoir l’effet inverse. En effet, les super-salaires ont, selon moi, un effet néfaste sur le sens du leadership. Lorsque votre rémunération n’a plus rien à voir avec celle de vos employés, le risque n’est pas mince de perdre le sens du réel et de se prendre pour un demi-dieu. Les armées avec un état-major déconnecté des troupes, courent à la défaite. Une Eglise avec des responsables coupés du peuple croyant, est un bateau qui vogue à la dérive. En irait-il autrement dans le monde de l’entreprise, publique comme privée? (A ceux qui veulent poursuivre cette réflexion, je conseille de lire « L’invitation à un leadership authentique » de François-Daniel Migeon, aux éditions Eyrolles. Pour l’auteur, les trois critères sont: déployer une vocation plutôt qu’une ambition personnelle; servir ses équipes plutôt que s’en servir; se transformer soi-même plutôt que de s’imposer aux autres.)

Sur le plateau TV, je citais en exemple le président du CPAS (Centre Public d’Aide Sociale – organisme communal/municipal d’aide aux plus démunis) de Namur, Philippe Defeyt, qui accepta récemment de réduire son salaire de 20%. Sans pour autant devenir 20% moins compétent, mais sans doute quelques % plus crédible. Ceci, d’autant plus que l’homme ne s’érige pas en donneur de leçons. Il explique que ses enfants ayant tous quitté le nid, il peut se permettre de vivre avec moins d’argent – et de consacrer la différence au fonctionnement de l’organisme socialqu’il dirige. Un autre président de CPAS d’une grande ville – homme de gauche de surcroit – a taxé sa décision d’“erreur politique, voire philosophique”. Elle signifierait, en effet, que les travailleurs sociaux ne devraient pas bien gagner leur vie. Pareille remarque est exemplative d’une société où le salaire devient l’unique étalon de reconnaissance professionnelle. Bien entendu que chacun a le droit de gagner sa vie. Et que celui qui a plus de responsabilités, mérite de gagner davantage. Mais de là à critiquer un mandataire qui – en temps de crise – décide de vivre volontairement une décroissance salariale – on croit rêver. Un ami missionnaire, qui revient ces jours-ci se reposer de sa mission auprès des plus pauvres au Congo, me fait comprendre avec délicatesse qu’en Belgique nous ne nous rendons même plus compte de l’emprise de l’argent sur nos vies. A méditer. Quelqu’un a dit: « Vous ne pouvez servir deux maîtres: Dieu et l’argent »… (Matthieu 6, 24)

 

François et le troisième souffle – La Libre 19 novembre p.55

J’avais expliqué aux lecteurs attentifs de ce blog, que ma chronique d’octobre pour La Libre n’avait pas été publiée, pour cause de surcharge rédactionnelle.

Ce mardi 19 novembre, elle paraît avec quelques semaines de retard, en p.55 du quotidien. Pour la lire, cliquez sur le lien suivant: « François et le troisième souffle ».

Merci à la rédaction de « La Libre » de m’offrir cet espace d’expression.

« Cultes, laïcités et monarchie » – Colloque ULB

Ce samedi 16 novembre a eu lieu à l’ULB (Université Libre de Bruxelles) le colloque organisé par « la Pensée et les Hommes ».  Celui-ci fait suite aux deux colloques sur l’islam, auxquels les organisateurs m’avaient aimablement demandé de participer. Cette année, le sujet était: « Cultes, laïcités et monarchie ont-ils leur place dans une Belgique (con)fédérale ? »

Ci-dessous le texte de ma contribution:

 L’imagination et les hommes

Religion/Monarchie: cerveau droit et politique

Froide rationalité contre folle du logis

D’après une théorie bien connue, l’hémisphère droit de notre cerveau serait le siège de l’intelligence artistique, créative et émotive – soit de tout ce qui fait appel à l’imagination. L’hémisphère gauche, quant à lui, serait la source de l’analyse et donc du sens critique. N’étant pas neurologue, je ne me prononcerai pas sur la validité de pareille présentation scientifique. Si je l’utilise au cours de cet exposé, c’est en guise de métaphore, car force est de constater que ces deux types d’intelligence cohabitent en nous. Et que – selon les époques – la culture dominante valorise une forme d’appréhension du réel par rapport à l’autre. Ainsi, le romantisme fit l’éloge de l’imagination contre la froide raison. En cela, il réagissait aux Lumières, qui mettaient en valeur l’esprit critique contre l’emportement des émotions. De tous les philosophes de l’âge classique, Nicolas Malebranche (1638-1715)  exprima le plus nettement cette défiance envers l’imagination, en l’appelant la « folle du logis » : une « folle qui se plaît à faire la folle et à dérégler la raison humaine pour l’entraîner dans le monde de l’absence et du fantasme. »  (De la recherche de la vérité Livre II).

Une certaine filiation rationaliste se retrouve aujourd’hui chez les héritiers de la pensée des Lumières. Qu’il me soit permis ce petit clin d’œil à l’attention des aimables organisateurs du colloque de ce jour : Les émissions de morale laïque diffusées sur les antennes publiques dans notre pays, ne s’appellent pas « l’imagination et les hommes », mais bien « la pensée et les hommes » – un discret rappel que l’hémisphère gauche du cerveau ne peut se laisser dominer par son jumeau droit. De façon bien plus radicale, on rencontre parfois des libre-penseurs qui font profession de foi rationaliste comme d’autres entrent au couvent. Le culte qu’ils vouent à la raison est sans compromis. Au nom de celui-ci, ils sont hostiles à toute démarche religieuse – considérées comme le fruit de l’imaginaire infantile – et rejettent la monarchie – comme reliquat d’émotions archaïques. République et Athéisme sont pour eux les deux mamelles du Rationalisme. Pourtant, même dans leur rang, parfois le doute s’installe. Comment, en effet, expliquer que le père du positivisme scientifique, Auguste Comte (1798-1857), ait sombré dans un culte de l’Humanité si peu rationnel ? Où – a contrario – que certains libre-penseurs non dénués de sens critique, cultivent la pensée symbolique – en maçonnerie ou ailleurs ?

Ces rationalistes dogmatiques ont cependant des excuses. Tel le chat échaudé, ils réagissent à l’excès inverse. Quand l’hémisphère droit met son voisin gauche sous tutelle –  autrement dit, quand l’émotion anesthésie la raison – la folle du logis se déchaine. Des siècles de religion d’état et de monarchie de droit divin, ont souvent servi d’étouffoir au libre exercice de la raison. Et dans le grand chamboulement de la mondialisation actuelle, certains de nos contemporains postmodernes, sacrifient tout sens critique au nom de rassurantes – car totalisantes – émotions spirituelles. Avec eux, le surnaturel est une évidence qui ne souffre pas de discussion. Quand pareil fondamentalisme envahit l’espace public, la théocratie pointe le bout de son nez. Et en politique, c’est alors l’homme providentiel – couronné ou non – qui est l’unique planche de salut, face à des élus du peuple, forcément véreux.

Cerveau gauche – boussole de la politique

Les Lumières nous ont enseigné que la raison est une boussole qui veille à ce que spiritualité ne rime pas avec irrationalité. Ainsi, il ne revient pas aux théologiens de dicter aux scientifiques ce qu’ils sont supposés voir dans leurs microscopes ou télescopes. Tout l’enjeu du créationnisme se situe là. Rejeter la théorie de l’évolution au nom de sa religion, subordonne la raison critique à l’empire de l’émotion. Tout aussi déraisonnable est le slogan qui veut que « tous les élus du peuple soient pourris » et que seul le Roi soit au service de son peuple. 

Quand l’émotion domine la raison, la démocratie est dans l’impasse. Ce n’est pas par hasard que le cœur institutionnel de l’Etat de droit, s’appelle un « parlement » – soit un lieu où les élus du peuple se parlent. Or, se parler n’est possible que si l’on possède un langage commun. Un des apports majeurs de la philosophie des Lumières, est d’avoir rappelé l’héritage des anciens Grecs – soit que le seul langage capable de fonder une démocratie, est le langage de la raison. Sa grammaire logique et sa visée critique font en sorte que la raison permet à des personnes de convictions différentes de se parler sans a priori, afin de prendre ensemble une décision en vue du bien de la Cité. L’hémisphère gauche donne de voir en l’autre, non pas d’abord le « juif », le « chrétien », le «musulman », ou le « libre-penseur », mais bien le citoyen qui défend son point de vue avec des arguments accessibles à la raison.  Voilà pourquoi, en démocratie – même dans le cas aujourd’hui improbable où tous les citoyens partageraient une même conviction religieuse – aucune révélation ne peut servir de fondement constitutionnel de l’État.

 Mon petit cerveau droit m’a dit…

Si le cerveau droit ne peut étouffer le gauche, l’inverse est tout aussi vrai : Pour être raisonnable, la raison ne peut devenir totalitaire – à l’instar de ce dogmatisme rationaliste, qui rejette a priori spiritualité et monarchie – deux réalités ayant en commun de davantage se greffer sur le cerveau droit.

Non – l’analyse critique n’a pas pour vocation de se prononcer de façon péremptoire sur l’Infini et le Mystère. L’acte de foi – croyant, athée ou agnostique – transcende toute saisie conceptuelle. Une spiritualité authentique s’initie dans un saut intuitif par-dessus le domaine du constatable et de l’explicable. Prenons pour exemple la question classique de l’existence (ou non) de Dieu. Ce n’est pas la rationalité critique qui tranchera l’antique bras de fer entre croyance et athéisme. Dans les deux camps, des bataillons de champions se sont épuisés une humanité durant à dégager de bons – et souvent aussi de moins bons – arguments en faveur de leur thèse. Les vertigineuses découvertes de la science n’y changeront rien. Elles permettent tout au plus de démythologiser quelques croyances magiques, mais jamais ne démontreront que Dieu existe ou n’existe pas. La réponse est du domaine de la foi. En la matière, notre brillante raison se révèle n’être qu’un mercenaire au service de la dame de son cœur – le désir. Je m’explique: En considérant les choses du point de vue cognitif, ce qui fait la différence entre croyants et incroyants, est avant tout le désir de croire ou de ne pas croire. En chaque sceptique veille une petite voix le pressant à ne pas « se laisser avoir » par les sirènes de son imagination : « Ne te laisse donc pas prendre par tous ces marchands de merveilleux. Ce qu’ils te proposent est trop beau pour être vrai. La faiblesse humaine crée des mirages ; sois lucide et dépasse la tromperie mielleuse de pareils fantasmes ». En chaque croyant, par contre, murmure une voix candide l’invitant à s’ouvrir au Mystère : « Fais donc le pas et écoute ce que ton cœur souhaite être la réalité. C’est beau et donc c’est vrai. Pourquoi toute recherche de sens se fonderait-elle sur un non-sens? Si tu ressens au plus profond de toi un besoin de croire en un Amour fondateur, n’est-ce pas le signe que c’est là que se trouve la clef ultime de la réalité ?»  Personne ne peut prouver rationnellement que Dieu existe – ni que Dieu n’existe pas. L’acte de foi est donc une adhésion plus intuitive et émotionnelle que réflexive et critique. 

Il en va de même pour la monarchie. Si une institution apparemment aussi désuète, résiste tellement bien à l’épreuve du temps, c’est parce qu’elle colle avec la nature humaine. La monarchie est une alliance de cœur, qui place une famille au sommet de l’Etat. L’archétype de ce régime est actuellement incarné par la couronne britannique. Au Royaume-Uni, aucune pompe protocolaire n’est trop belle pour la famille royale, qui pourtant n’exerce pas la moindre once de pouvoir politique. Elle règne sur l’imagination nationale. Par équilibre, le vrai pouvoir politique est – quant à lui – symboliquement rabaissé : Downing Street, la demeure du premier-ministre, ressemble à une vulgaire maison de notaire et le chef du gouvernement n’a même pas le droit de s’asseoir quand le souverain fait son discours au parlement. Tout le monde sait bien que les Windsor et les Saxe-Cobourg sont des gens comme les autres, mais le principe monarchique investit une dynastie du poids émotionnel de représenter la nation. Ainsi, quand le couple impérial japonais s’incline devant les victimes du Tsunami, chacun sent que c’est tout le Japon qui s’agenouille devant la détresse de ses concitoyens. Essayez donc de symboliser cela avec autant de force en république… Je vous donne à parier une boîte de biscuit « choco-prince de Beukelaer » que vous n’y arriverez pas. Ceci étant dit, comme tout système, la monarchie constitutionnelle a son talon d’Achille. Un président peut tomber sans que le pays vacille, mais quand c’est la famille royale qui est mise en cause, la crise de régime n’est jamais loin. Parce qu’ils touchent à l’émotion, les symboles sont puissants, mais également explosifs. En cela aussi, spiritualité et monarchie se ressemblent…

 Cerveau droit et politique 

Considérer la spiritualité comme un produit toxique qu’il s’agit d’évacuer de l’espace publique, est suicidaire pour la santé mentale d’une population. Sans intériorité – croyante, agnostique ou athée – pas de développement humain durable. Ou, pour paraphraser l’écrivain anglais Gilbert Chesterton (1874-1936) – quand l’homme se détourne de sa quête spirituelle, c’est pour croire en n’importe quoi. Il suffit de consulter les rubriques « Madame soleil et Marabout en tous genres » dans les pages d’un toute-boîte, pour s’en convaincre. L’Etat doit donc donner sa place à la quête de sens de ses citoyens. Avec pour balises, l’ordre public et les bonnes mœurs. Celles-ci excluent du champ démocratique les sectes liberticides ou maffieuses, ainsi que les courants fondamentalistes. Pas de liberté religieuse pour les ennemis de la liberté religieuse.

Pour le financement de cette quête spirituelle, quatre pistes existent. Elles ont chacune leurs avantages et inconvénients, qu’il est préférable d’aborder sans trop d’œillères idéologiques. La première piste est celle du non-financement des cultes par les pouvoirs publics. L’utilisateur est payeur, car ce système considère que – contrairement à la culture, au sport, ou aux médias – la recherche spirituelle n’a pas à être subsidiée par la collectivité. Cette option a pour avantage de marquer, jusque dans le portefeuille, la séparation entre Etat et options philosophiques, ainsi que de responsabiliser les citoyens. L’inconvénient est que l’Etat perd ainsi une bonne part de son contrôle sur les sources de financements des cultes et philosophies. (Une des raisons pour laquelle la puissance publique subsidie la culture, le sport, ou les médias). Si quelques fortunes fondamentalistes – étrangères ou autochtones – financent généreusement les cultes pour mieux les influencer, la puissance publique ne pourra guère s’y opposer. Une deuxième piste corrige cet écueil en permettant aux cultes et philosophies reconnus de prélever un « impôt » sur leurs fidèles, afin de se financer. En Allemagne, c’est l’Etat qui prélève l’impôt au nom de l’Eglise, alors qu’en Autriche, ce sont les services d’Eglise qui s’en chargent. L’avantage de ce système est – une fois de plus – la clarté et la responsabilisation. L’inconvénient est que cela applique une logique capitaliste, soit celle des assurances – qui paie est couvert – à la spiritualité, qui par son essence invite à la gratuité. Une troisième piste est celle du « référendum spirituel ». Appliqué en Italie et – de façon moins heureuse en Espagne – ce système part du principe que l’Etat subsidie cultes et philosophies reconnus, à hauteur d’un pourcentage de l’impôt récolté (0,3% en Italie). Reste à déterminer la répartition. Pour cela, le contribuable est invité à cocher une case lors de sa déclaration d’impôt. Ce faisant, il n’indique pas son propre culte ou sa philosophie, mais bien qui il souhaite soutenir financièrement. Avec ce système, un catholique peut fort bien « voter » pour les musulmans ou les laïques, considérant que ceux-ci ont plus besoin de finances que sa propre Eglise. Ce système a l’avantage de la clarté démocratique. Le peuple « vote » pour la répartition du budget des cultes. L’Etat, lui, se contente de comptabiliser le résultat et de répartir les revenus de l’impôt en conséquence. L’inconvénient est que les cultes sont ainsi indirectement mis en concurrence, dans un monde où la concurrence est déjà omniprésente (entreprises, partis politiques, médias, …). La quatrième piste est notre système belge – hérité du concordat napoléonien. Celui-ci considère que les ministres du culte et des philosophies reconnues, exercent une sorte de « magistrature spirituelle ». Dès lors, c’est le ministère de la justice qui les rémunère. Le pouvoir des chefs de cultes et autres philosophies non-religieuses (laïques, bouddhistes) est, de la sorte, limité. Ils nomment leurs ministres et sont garants de leur orthodoxie, mais ne les financent pas. L’employeur est l’Etat. Napoléon l’avait bien compris : ceci est un moyen efficace de lutter contre la radicalisation. A tout prendre, je trouve que pareil système convient plutôt bien à la Belgique. Et ceci, malgré d’inévitables inconvénients : une déresponsabilisation des fidèles et une visibilité moindre, quant aux critères de répartition du budget.            

Penchons-nous maintenant sur la monarchie : Considérer celle-ci comme une institution surannée, est faire preuve de myopie politique. Bien sûr que la Belgique pourrait être une république, mais dans un pays aussi complexe, c’est une chance d’avoir un chef d’état avec une légitimité d’ordre symbolique. Ceci dit, le rôle constitutionnel du monarque peut évoluer. On pourrait ainsi envisager que – comme au Grand-Duché – le roi ne fonctionne plus comme branche du pouvoir législatif, par la sanction des lois. Il pourrait se contenter de les promulguer formellement en sa qualité de chef d’état. Ceci éviterait les crises de conscience. Supprimer, par contre, son rôle de médiateur à l’occasion de la formation d’un gouvernement, serait se priver d’un rouage institutionnel qui a démontré son efficacité en temps de crise.

Conclusion

Cerveau droit et cerveau gauche sont-ils frères ennemis ? La froide raison contre la folle du logis ? Bien au contraire. L’analyse critique sans intelligence émotionnelle aboutit au dogmatisme rationaliste. L’imagination coupée de toute rationalité, sombre dans le délire fondamentaliste. Si les hémisphères droit et gauche cohabitent en l’homme, c’est qu’ils sont destinés à collaborer. Dans l’individu, une raison saine va de pair avec une culture symbolique. De même, la solidité du corps social dépend de sa capacité à faire cohabiter dialectique et imaginaire, débats d’idées et sentiment d’appartenance. Ma réponse à la question de ce colloque : « Cultes, laïcités et monarchie ont-ils leur place dans une Belgique (con)fédérale ? », sera donc plus concise que mon exposé. Elle tient en un mot : « Oui ».

 

 

Les mots creux – Marianne Belgique p.27

Ci-dessous ma chronique parue dans l’hebdo Marianne-B de cette semaine p.27. Merci à la rédaction de me donner cet espace d’expression:

Tant qu’ils désignent le réel à notre intelligence, les mots sont vecteurs de sens. Mais utilisés comme arme de stigmatisation massive, les voilà qui deviennent creux. Ainsi, au temps du capitaine Dreyfus, le mot « Juif » désignait cette communauté humaine à laquelle une opinion bienpensante reprochait de ne jamais suffisamment s’intégrer. Epoque révolue ? Outre-Atlantique, à l’époque du maccarthysme, le mot « socialist » visait tous ceux que de zélés défenseurs de la liberté considéraient comme pas suffisamment de droite… à l’instar de Chaplin. Expression désormais souvent pudiquement remplacée par le mot « liberal ». Comme quoi, quand on est creux… on est creux. En Europe – par effet de balancier – il y eut le mot « réac », pour clouer au pilori les intellectuels qui osaient être trop mollement de gauche. Aujourd’hui, font surtout recette les mots « politiquement correct » et « populiste ». Quand je défends sur mon blog une opinion consensuelle, il y aura toujours un lecteur pour me reprocher d’être trop « politiquement correct ». Et les rares fois où je prends l’opinion à rebrousse-poil, voilà que ma thèse est considérée « populiste ». Entendons-nous bien – ces mots ont un sens. La dictature du politiquement correct est un risque et le populisme une dérive du populaire. Mais de là à taxer de « politiquement correct » toute pensée soft et de « populiste » toute idée hard, il y a de la marge. L’abus de langage nuit gravement aux mots. Il les transforme en slogans creux.

Crises et krachs – 33° dimanche, Année C

 « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre ». (Luc 21, 5-19)

En cette fin d’année liturgique (dimanche prochain, c’est le « Christ-Roi », dernier dimanche de l’année liturgique), les lectures parlent de fin du monde.  Mais les paroles du Christ invitent à garder la tête froide. Oui, il y aura des guerres et des catastrophes – pensons aux Philippines ravagées. Les choses les plus stables finiront pas s’écrouler – des empires s’écroulent et des krachs boursiers ruinent les banques. Cela ne doit pourtant pas nous presser à suivre tous les illuminés qui annoncent une fin du monde imminente : « Ne vous effrayez pas : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin ». Quant aux persécutions – même de la part de proches – Jésus ajoute : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.».    

Oui, la vie est courte et fragile. A chaque génération ses guerres, tragédies et catastrophes. Une seule chose est durable et permanente : «C’est par votre persévérance que vous aurez la vie ».

Blog: bilan du mois d’octobre

Ce blog a été ouvert le 11 mars 2011. En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées ; du 1er mai au 31 mai 3322 visites et 5626 pages visionnées. Du 1er juin au 31 juin, le blog a reçu 3464 visites et 5721 pages furent visionnées. La fréquentation baissa durant les vacances, car le blog – aussi – pris du repos. Pour le mois de septembre 4423 visites sont enregistrées et 6683 pages sont visionnées. En octobre, il y eut 3027 visites pour 4689 pages visionnées. En novembre, il y eut 2679 visites pour 3915 pages visionnées. En décembre, 3203 visites pour 4754 pages visionnées. En janvier, 3143 visites pour 4815 pages visionnées. En février, cela donne 3709 visites pour 5501 pages visionnées. En mars, il y eut 3592 visites et 5530 pages visitées. En avril, il y eut 4063 visites pour 6280 pages visitées. En mai, il y eut 4895 visites pour 8100 pages vues. En mai, il y eut 4499 visites pour 5395 pages vues. Je n’ai pas reçu les chiffres de juin. En juillet,  3502 visites pour 4158 pages vues. En août: 3213 visites pour 5059 pages vues. En septembre: 5624 visites pour 8773 pages vues. En octobre 3268 visites pour 5337 pages vues. En novembre 3467 visites pour 5777 pages vues. En décembre 3018 visites pour 4411 pages vues. En janvier 3891 visites pour 5419 pages vues. En février 3736 visites pour 5724 pages vues. En mars 5198 visites pour 7740 pages vues. En avril 4415 visites pour 6323 pages vues. En mai 6693 visites pour 9284 pages vues. En juin, 4236 visites pour 6339 pages vues. En juillet, 3316 visites pour  4477 pages vues. Pour août, je n’ai pas reçu de données. En septembre 3820 visites pour 4386 pages vues.  En octobre 3299 visites pour 5172 pages vues

Le lectorat belge compte 2897 visites. La France suit avec 235 visites et l’Italie avec 18 visites.

L’article le plus fréquenté fut « Le coach et le père » du 12 octobre avec 328 visites. Vient ensuite « Le donatisme nouveau » du 17 octobre avec 327 visites et « Affaire Zwarte Piet » du 24 octobre avec 227 visites – auxquelles il convient d’ajouter les 135 visites à l’article vers lequel je renvoyais « Saint Nicolas, attention danger? » du 9 décembre 2011.

Merci aux lecteurs et suite au mois prochain.

« L’Eternité, cela dure longtemps ? » – 32° dimanche, Année C

« Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ». (Luc 20, 27-38)

A l’époque du Christ, les Sadducéens formaient l’aristocratie sacerdotale de Jérusalem. Ils vivaient des revenus du temple et avaient une foi formaliste et sclérosée : Contrairement aux pharisiens – les théologiens de province, qui enseignent dans les synagogues – ils n’acceptaient que les cinq premiers livres de la Bible (le Pentateuque) et refusaient de croire en la résurrection des morts – un article de la foi juive, trop récent pour eux.  D’où leur question à Jésus : S’il y avait vraiment une vie après la mort, comment ferait une femme plusieurs fois mariées, en retrouvant tous ses maris au ciel ? Le Christ leur répond que dans l’éternité, rien n’est comme sur terre. Et puisqu’il s’adresse à des Sadducéens, Il leur cite le Pentateuque : Dieu se déclare dans le livre de l’Exode (3,6) « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». Ils sont donc vivants, car l’Eternel n’est pas le Dieu des morts.

Les Sadducéens ne sont pas une exception. C’est un erreur fréquente de penser la vie en Dieu, à partir de nos catégories spatio-temporelles. D’où des questions-impasses, comme « Où sont les ressuscités ? », ou encore : « L’Eternité, cela dure longtemps ? » En Dieu, le temps et l’espace ne sont plus de mise. Pas plus que l’enfant dans le ventre maternel ne sait à quoi ressemble le monde extérieur, ne pouvons-nous – qui vivons dans l’espace et le temps – nous faire une idée précise de la vie après la mort. Mais tout comme le fœtus perçoit le battement du cœur de sa mère, par la foi nous entendons battre le cœur de Dieu. Et Il « n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants».

L’homme, individu ou personne? – La Libre 5 novembre p.53

Quelques lecteurs attentifs se sont étonnés de ne pas lire de chronique de votre serviteur dans les colonnes de La Libre, au cours du mois d’octobre. Une surcharge rédactionnelle, explique cette absence.

Ce mardi 5 novembre, est par contre parue dans le quotidien en p.53 ma contribution du mois. Pour la lire, cliquez sur le lien suivant: « L’homme, individu ou personne? »

Merci à la rédaction de « La Libre » de m’offrir cet espace d’expression.

Coup de vent intérieur – 31° dimanche, Année C

 « Zachée, descends vite : aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer chez toi ». (Luc 19, 1-10)

Imaginons que notre nouvel évêque rende visite aux communautés paroissiales du centre ville. Les fidèles sont là pour l’accueillir – curé-doyen, membres de l’équipe pastorale et fabriciens en tête. L’évêque arrive et aperçoit – à la terrasse d’un café – un homme d’affaire notoirement véreux. A la surprise de tous, il lui lance : « Lève-toi vite : aujourd’hui il faut que je partage ton repas ». Je me demande bien la tête que tous, nous ferions. C’est pourtant ainsi que Jésus agit. « Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Son geste causera un « coup de vent intérieur » dans la tête de Zachée, dont le cœur s’ouvre à l’appel de l’Esprit.

Pareil « coup de vent intérieur » toucha au VIIe siècle, un jeune aristocrate qui aimait la vie mondaine. Il changea de vie et entra au service de l’évêque Lambert de Maastricht. Quand celui-ci fut assassiné, il lui succéda et ramena ses reliques sur les lieux de son martyr. Là, il fonda une institution religieuse, base de la future cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert. Liège devint de la sorte une métropole et, un peu plus tard, le nouveau siège du diocèse. Enterré dans la Cité Ardente et élevé à son tour sur les autels, les reliques du fondateur de notre ville furent transférée en 825 à Andage en Ardennes – lieu qui reçut dès lors son nom : « Saint-Hubert ». Il est fêté ce 3 novembre.