Poverello

Lorsque, après la fumée blanche et l’« habemus papam », apparut la silhouette du nouveau successeur de Pierre, j’étais particulièrement ému. Pas tant par la silhouette simple et souriante du nouveau Pape, ni par sa nationalité. Ce fut le nom « François » qui me remua. Et j’ai pensé: « Il a osé! ».

Les lecteurs réguliers de ce blog se rappellent l’article rédigé dans la foulée de l’élection, intitulé « Francesco ». Certains observateurs me firent remarquer que je m’avançais un peu vite en décrétant que le Pape se réclamait du Poverello. Que ce pourrait être François de Sales ou François-Xavier. Personnellement, je ne doutais pas qu’il s’agissait de François d’Assise. Non pas parce que je suis un peu devin ou particulièrement bien introduit au Vatican. Mais parce que, déjà lors du précédent conclave, alors que j’accompagnais le cardinal Danneels comme porte-parole, le nom de « François » circulait dans les couloirs romains. Il se chuchotait: « Pour créer un électrochoc, il faudrait un nom de pape qui soit un rappel fort de la radicalité de l’Evangile. François d’Assise serait ce nom ». A cela, d’autres objectaient: « Cela ne se fait pas. Un Pape doit prendre un nom de pape ». Le pape Bergoglio a donc osé. Ce geste est fort. Il signifie un audacieux programme de gouvernement – comme le souligne le Vaticanologue John Allen. En lisant hier sur Facebook les commentaires de jeunes catholiques français « bien comme il faut »,  regrettant sa sobriété liturgique, je me suis dit que son ministère ne serait pas facile.

Prions pour notre Pape, afin que l’Esprit lui ouvre des chemins pour aider l’Eglise à se recentrer sur le Christ et la simplicité de l’Evangile. S’il ne pouvait insuffler ce renouveau à la curie romaine et à toute l’Eglise, les fidèles les plus dubitatifs se détourneront en soupirant: « Il sourit aux malades et embrasse les enfants, mais pour le reste… » Reste également à espérer qu’un émule d’Ali Agça ne prenne bientôt pour cible, ce pasteur qui aime le contact avec la foule.

Saint François d’Assise, nous vous confions notre nouveau Pape.

Cachez ce Pape… – Marianne Belgique p.24

L’édition belge de l’hebdo Marianne vient de publier son deuxième n°. La rédaction m’a demandé de tenir une chronique régulière dans ses colonnes.
Je suis heureux de cet espace d’expression dans un magazine tous-publics. D’autant plus que celui-ci est bien connu pour sa défense de la laïcité politique.
Un clin d’œil à tous ceux qui pensent qu’une fois sortis de leur sacristie, les curés n’auraient plus qu’un droit: celui de se taire.
Ci-dessous le texte de ma chronique:

Ma signature dans les pages de Marianne-B déclenchera peut-être quelques réactions agacées. Du genre : « Cet hebdo déclare défendre une ‘laïcité affirmée’. Alors, pourquoi ‘diable’ offrir une tribune à un ecclésiastique ? Un catholique modérément… catholique  – passe encore. Faut être tolérant. Mais là… » Et pourtant. La vertu d’une chronique n’est pas d’entrainer l’adhésion de tous. Bien de faire réfléchir.  A l’écrit qui caresse dans le sens du poil, préférons le rebrousse-poil. Au prêt-à-penser, substituons le remue-méninges

Ainsi, le Pape… A la rédaction de ce billet, j’ignore encore quel successeur de Benoît XVI la fumée blanche désignera. Peu importe : Qu’il soit jeune ou vieux, pragmatique ou charismatique, Italien ou Africain, Sud-Américain ou Asiatique,… un Pape est là pour « faire le Pape ». Et cela implique davantage que de bénir les foules en 36 langues. Un Pape annonce le Christ et son Evangile. Ce qui parfois dérange. Tout le monde encourage le pardon, mais qui accueille Michèle Martin ? Tout le monde aime la famille, mais qui cherche à consolider les couples ? Tout le monde regrette la pauvreté, mais qui est prêt à partager ? Un Pape qui « fait le Pape », rame souvent à contre-courant. Il sera critiqué. Parce que  l’Eglise est aussi une réalité humaine avec ses failles. Mais également parce qu’il bouscule. Aux Tartuffes postmodernes qui crient : « Cachez ce Pape que je ne saurais voir », je réponds donc : « un Pape donne à penser. »          

La vieillesse a parfois du bon – 5e dimanche de Carême, Année C

« Ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés » (Jn. 8, 1-11)

L’histoire de la femme adultère révèle toute la finesse psychologique de Jésus. Au lieu de plaider l’acquittement de la coupable « car il faut bien être chrétien – n’est-ce pas mon bon Monsieur ? », Jésus met une condition à sa lapidation : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre ». Avec humour, l’évangéliste note : « Ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés ». La vieillesse a parfois cela de bon, qu’elle rend l’homme plus lucide sur lui-même.

Voilà pourquoi, les cardinaux élisent le successeur de Pierre parmi des hommes d’âge mur et non dans un sérail de jeunes premiers. De par son expérience de vie, le nouveau Pape sera davantage conscient de l’humaine faiblesse. Et ceci lui donnera d’annoncer avec d’autant plus de force que Celui qui est – Lui – sans péché, ne jette jamais la pierre : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

François et les loups de Gubbio

Le passé trouble de François…
Parlons du passé trouble de François… Mitterrand. Lui qui fut décoré en 1943 de l’ordre de la Francisque et prêta à cette occasion le serment suivant: « Je fais don de ma personne au Maréchal Pétain comme il a fait don de la sienne à la France. Je m’engage à servir ses disciplines et à rester fidèle à sa personne et à son œuvre. » Lui qui fréquenta toute sa vie René Bousquet. Eh bien, Mitterrand fut un grand président. Ceci, entre autre, parce que, lors de son élection le 10 mai 1981, la presse ne se déchaina pas pour lui chercher des puces. Ce n’est que bien plus tard que la lumière se fit.

Je ne reproche pas aux journalistes de faire leur boulot. … Sauf quand ils publient des photos du futur Pape en présence du dictateur Videla, sans vérifier que ce n’est pas le père Bergoglio qui se trouve sur l’image. Je rappelle surtout qu’il est difficile d’exercer une responsabilité en dictature, sans serrer quelques mains sales.  A cet égard, un article de Marianne est fort… fort instructif. J’invite chacun à le lire.  Dès lors, avant de traiter le pape de collabo, un peu de bon sens s’il vous plaît. A l’instar d’Odon Vallet, qui déclara, sur France2, qu’il n’avait “pas été complice de la dictature. Il a fait ce qu’il a pu, pas plus, pas moins”. C’est également l’avis du prix Nobel de la paix argentin (1980) Adolfo Perez Esquivel, qui défend le bilan du cardinal Bergoglio. A l’instar du théologien de la libération Leonardo Boff, qui déclare: « Je me base sur le prix Nobel de la paix Perez Esquivel, qui a été torturé longuement et connaît bien Bergoglio. Il n’y a rien de concret dans les enquêtes menées jusqu’aujourd’hui, au contraire, il a sauvé et caché de nombreuses personnes persécutées par la dictature. Il n’y a aucun lien avec la dictature. Il pourrait y avoir eu des omissions, mais pas de complicité » A l’instar enfin de Francisco Jalics, un des deux prêtres torturés sous la dictature, qui déclare sur le site des jésuites allemands s’être réconcilié avec le cardinal Bergoglio et souhaite tous ses vœux au nouveau Pape.  Pourquoi ces voix-là sont-elles si peu entendues sur certaines chaines de télévision?

Je cite, pour être complet, la réaction vigoureuse du Vatican, aujourd’hui, par la voix du P.Lombardi: « La campagne conduite contre Jorge Mario Bergoglio, qui remonte à des années, est bien connue. Elle est soutenue par un media spécialisé en attaques anticléricales, allant jusqu’à la calomnie et la diffamation des personnes. Les accusations concernant l’actuel Pape remontent à l’époque où il n’était pas encore évêque, mais simplement supérieur des jésuites en Argentine. Elles font référence à deux prêtres enlevés pendant la dictature, et qu’il n’aurait pas protégés. Or aucune accusation formelle et documentée n’a jamais été déposée contre lui. La justice l’a entendu une fois et à simple titre de témoin. Le P.Bergoglio n’a jamais été suspecté ou accusé, ayant d’ailleurs fourni les preuves de son extranéité à l’affaire. Il existe d’autre part nombre de dépositions démontrant combien le P.Bergoglio a agi pour sauver des personnes en danger à l’époque. Il est tout autant connu qu’après être devenu évêque, dans l’élaboration de la demande de pardon, Mgr.Bergoglio a déploré les défaillances de l’Eglise argentine face à la dictature. Les accusations en question découlent d’une lecture historique de cette période promue depuis des années par des milieux anticléricaux. Elles n’ont pas lieu d’être. Pour ce qui est des questions touchant à la théologie de la libération, l’actuel Pape en a toujours référé à la Congrégation pour la doctrine de la foi, refusant sur le terrain toute action violente car convaincu que seuls les plus faibles en paient le prix ».

La horde…
On raconte que saint François d’Assise domestiqua dans le village de Gubbio, un loup affamé. Ici, il s’agit d’une horde. Non pas la horde des journalistes qui font leur boulot en posant les questions qui dérangent. Mais la horde de tous ceux qui n’ont pas intérêt à ce que le pape François développe une stature de pasteur de grande envergure. Un ami universitaire, peu suspect de sympathies envers l’Eglise catholique, me confie: « Un pape ringard ou imbuvable est dans l’intérêt de tous ceux – et ils sont nombreux – qui n’ont pas intérêt au redressement de l’Eglise catholique. Attendez-vous donc à bien des peaux de banane sous les mules du pape François ». Un journaliste qui travaille pour un hebdo généraliste complète: « Le drame, c’est que le Vatican pourra corriger les infos comme il veut, la première impression qui restera auprès d’un certain grand public, est que derrière le sourire et la simplicité du pape argentin, se cache le visage hypocrite d’un sale petit collabo ». Je reviendrai dans ce blog sur le fond du dossier, dès que j’aurai plus d’éléments. Mais une chose me semble assurée: François fait face à la horde. Prions pour lui.  


 

 

Francesco…

L’évocation du pauvre d’Assise est tout un programme.
Puisse papa Francesco conduire l’Eglise sur les chemins de la joie et de l’Evangile, à la suite du Poverello.
Prions pour notre pape François. Avant de nous bénir, il a demandé la bénédiction du Bon Berger.
Sur le site du quotidien « le Soir » se trouvent mes premières réactions à chaud.

Clin d’œil: Le goéland qui se reposait sur la cheminée de la chapelle Sixtine cet après-midi, annonçait-il le choix d’un pape qui prendrait le nom du saint qui parlait aux oiseaux?

« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.

O Seigneur, que je ne cherche pas tant à
être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.
Car c’est en se donnant qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie. »
(Prière de saint François d’Assise)

Life on Mars… David Bowie aujourd’hui

Introduction: N’est pas ringard qui croit.
J’avais écrit une première chronique pour « La Libre » du mois de mars. Je trouvais intéressant de faire une réflexion sur David Bowie, un des chanteurs de mon adolescence, passé des excès du Rock à une vie rangée. Ma conclusion est que « les bons vieux principes » sont aussi les plus durables. J’ai finalement proposé une autre chronique au quotidien, vu l’actualité. Il s’agit de celle sur l’Esprit-Saint et les cardinaux (« L’Hôte invisible du Conclave »).

Il n’est pas inintéressant  de mettre ma réflexion sur David Bowie, en relation avec les écrits de deux trentenaires typiquement « postmodernes »: Critiques du Catholicisme, ils ont en commun de réclamer une papauté figée, comme pour mieux s’en détacher. Dans le « Vif/l’Express », il y a Raphaël Enthoven et dans « le Monde », Solange Bied-Charreton .
A tous deux, je donne rendez-vous dans quarante ans. Quand ils seront grand-parents, peut-être parleront-ils autrement… Tel David Bowie aujourd’hui.

Ma chronique non-publiée
Après des années de silence, David Bowie sort un nouvel album ce 11 mars. Le matin où je l’appris par voie de presse, la mélodie de son tube « Life on Mars » me revint en mémoire pour trotter dans ma tête jusqu’au soir : ‘It’s a god-awful small affair To the girl with the mousy hair… ‘ Bercé par cet air de jeunesse, je souriais en pensant à une observation, jadis entendue : « Le jour tu dis d’une ancienne chanson rock  – ‘A l’époque, au moins, on faisait encore de la bonne musique…’  – sache que tu es définitivement entré dans la catégorie de ceux que nos ados appellent « les vieux ».  

« Life on Mars »… Souvenir de cette icône du glamrock, chantant la complainte d’une jeune fille, désabusée face à notre société de consommation et de spectacle – société où même « Mickey Mouse est devenu obèse comme une vache ». Un hymne postmoderne – déjà en 1973. Les trente glorieuses venaient de se fracasser sur le choc pétrolier. Après les années « peace and love » se levait une génération « no future ». Ses chanteurs ne voulaient plus changer le monde. Tout juste se jouer de lui et de ses codes. Grimé en Ziggy Stardust, extraterrestre androgyne venu annoncer la fin de l’humanité, David Bowie incarnait alors pleinement l’artiste maudit, adepte de la trilogie ‘Sex and Drugs and Rock ‘n’ Roll’.

Quel contraste avec le chanteur de 66 ans, qui dans son nouveau clip apparait sans maquillage pour chanter la nostalgie, à la manière des anciens. Dans ‘Where are we now ?’, Bowie évoque avec mélancolie et tout en douceur, son passé berlinois – séjour dans une capitale de la drogue qui, paradoxalement, le libéra de la cocaïne. Si la carrière du ‘thin white duke’ évolua au gré des influences musicales, avec des passages au cinéma et au théâtre, sa vie privée se stabilisa il y a deux décennies. Peut-être le déclic s’opéra-t-il suite au décès de Freddy Mercury, son aîné de quelques mois – succombant du sida en 1991. Au cours de l’hommage planétaire, dédié un an plus tard à la mémoire du mythique chanteur de Queen, David Bowie stupéfia le stade de Wembley, en se mettant à genoux devant la foule, pour réciter un Notre Père. Le glamrock était bien mort. L’homme n’est pas devenu un croyant convaincu pour la cause, mais il déclara en 2003 au site Beliefnet.com : « Je ne suis pas athée et cela m’inquiète. Il y a ce quelque chose qui s’accroche ». Plus loin dans l’interview, la star qui vit retiré avec son épouse, ajoute : « Je n’ai jamais imaginé que je deviendrais à ce point centré sur ma famille. (…) Quelqu’un m’a un jour dit qu’en vieillissant, on devient la personne que l’on aurait toujours dû être et je sens que c’est précisément ce qui m’arrive. Je suis assez surpris de celui que je suis devenu, car – en fait – je ressemble terriblement à mon père ! (…) Les années passent vite. La vie est réellement aussi courte que ce que l’on nous a raconté. Et même Dieu semble réel – mais suis-je prêt à faire le pas ?»

Curieux destin que celui de nombre de ces anciennes idoles du non-conformisme, devenues aujourd’hui de respectables papys du rock. Ainsi, lors du concert offert l’été dernier pour le jubilé de Sa Gracieuse Majesté britannique, nombre d’entre elles se tinrent fièrement aux côtés d’une souveraine qui incarne la tradition. Il y avait là, entre autres, sir Paul McCartney et sir Elton John. Leur musique n’a pas pris une ride, mais leur révolte appartient au passé. Et si Ziggy Stardust n’a pas trouvé de vie sur Mars, David Bowie l’a apparemment découverte sur terre. Oui, nos années s’écoulent vite – très vite – tout comme passent les modes. Demeurent alors ces bonnes vieilles valeurs traditionnelles. Bien souvent, c’est du côté de celles-ci que se déploie – de façon durable – la jeunesse du cœur.

L’hôte invisible du Conclave – La Libre 12 mars p.55

Ce 12 mars, jour d’entrée en Conclave des Cardinaux,  ma chronique du mois a été publiée en p.55 du quotidien La Libre.
Pour lire cette chronique, cliquez sur le lien suivant: « L’Hôte invisible du Conclave ».
Merci à la rédaction de « La Libre » de m’offrir cet espace d’expression.

« La parabole du bon garçon » – 4e dimanche de Carême, Année C

« Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi » (Luc 15, 1-32)

Mi-carême. Dimanche de la « laetare » (joie). En guise de cadeau, l’Eglise reçoit comme Evangile la plus touchante des paraboles racontées par Jésus. A tort, on l’appelle la « parabole du fils prodigue ». En fait, le personnage central, c’est le fils aîné. Cette parabole devrait donc se nommer : la « parabole du bon garçon ». Relisez la parabole avec les yeux de ce fils exemplaire et elle prend une toute autre perspective. L’aîné de famille se crève au travail pour son père, tandis que le cadet s’amuse. Un jour, ce dernier « se casse » en emportant sa part d’héritage. L’aîné ne dit rien, mais redouble d’ardeur – sans râler. Plus tard, il apprend que son jeune frère a dilapidé sa fortune et se dit : « bonne leçon ». Un soir, ce fils sans reproche rentre tard, épuisé par le labeur des champs. Il entend des bruits de fête. Là, il apprend que son cadet indigne est rentré et que son père lui fait la fête. Alors, son indignation explose : « Il y a tant d’années que je me crève à ton service et je ne t’ai jamais rien demandé. Mais quand ce vaurien rentre après avoir dilapidé ton bien avec des filles, tu fais tuer le veau gras ! Et moi alors, qui suis-je pour toi ? » Colère bien compréhensible du juste, face à un Dieu qui pardonne si facilement. C’est ici que vient la phrase-clef de la parabole. Le père répond : « Mais toi, mon enfant, tu es toujours avec moi. Et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il faut se réjouir… ! Car celui que tu appelles « vaurien » est ton frère. Tu pensais qu’il profitait de la vie, mais en fait, il était spirituellement mort. Et maintenant, il commence à revivre. Alors, je t’en supplie, partage ma joie. »

Comandante Chavez – la rupture et le peuple

Si le décès du président vénézuélien est à accueillir – comme pour tout être humain – avec respect et recueillement, sa stature politique contrastée invite à la réflexion. Le bilan économique que lègue le comandante, est mitigé: A son actif, une redistribution des rentrées pétrolières vers les plus démunis. Côté passif, une incapacité à faire naître une économie moderne et une inflation qui plafonne à 20%. Mais davantage que sur ce bilan, il y a à s’interroger sur la popularité du président-tribun. Lors du « putsch des patrons » en 2002, ce sont les habitants des quartiers pauvres de Caracas qui sont descendus dans la rue, forçant sa libération et sa remise en fonction. Porque? Parce que, pour ces populations sans assise sociale, Hugo Chavez incarnait la « rupture » politique. Une rupture qui rendrait à ces sans-grades un peu de leur dignité.

Rupture… Un mot qui commence à peser lourd sur les résultats des récentes élections européennes. Pensons aux succès d’un Beppe Grillio en Italie, face au réalisme austère de Mario Monti. Et en Belgique, quels sont les partis politiques en pleine ascension dans les sondages? Qu’ils soient nationalistes et de droite au nord du pays ou de gauche radicale au sud, tous incarnent une certaine rupture avec la politique traditionnelle. Un signe que la démocratie n’est plus assez lisible. Ainsi, dans le quotidien « le Soir » de ce mercredi 6 mars (p.15), l’économiste Paul De Grauwe pose un regard critique sur la législation « two-pack » adoptée au sein de l’Union européenne. Celle-ci oblige les états-membres à présenter chaque année leur budget avant le 15 octobre à la Commission européenne. Seulement une fois que cette dernière en aura vérifié la conformité avec les critères du pacte européen de stabilité et de croissance, le gouvernement pourra faire voter ce budget par son parlement national. Et l’économiste de questionner la légitimité démocratique d’une mise sous tutelle des parlements: « un tel système est un retour à l’Ancien Régime », conclut-il. Le jugement est sévère, mais l’analyse donne à penser. L’intégration européenne est salutaire, mais elle manque de visibilité démocratique. Et en temps de crise, ceci conduit les peuples à réclamer la rupture. Cela, Chavez l’avait bien compris.

In memoriam Didier Comès

Ce 14 juin dernier, le doyenné de Liège rive-gauche tenait son ultime réunion de l’année pastorale. Après un petit resto, j’avais organisé une visite du musée des beaux-arts à Liège, qui exposait à l’époque l’œuvre de Didier Comès. L’homme est un auteur de BD inspiré, qui dessine en noir et blanc des histoires ayant pour cadre l’Ardenne profonde. Ses personnages sont souvent fragiles et torturés. L’image de la religion y est rarement positive. Vieille blessure d’enfance.

J’avais découvert l’œuvre de Comès par mon admiration pour son inspirateur, Hugo Pratt – l’auteur de Corto Maltèse. Sachant qu’il habitait la région de mes parents, j’avais pris mon courage à deux mains en lui téléphonant. D’un ton réticent, il me demanda ce que je désirais. Je lui expliquai que j’aurais aimé conclure la visite du musée par une rencontre entre les membres du doyenné et l’auteur. Je voulais qu’il nous explique, entre autre, sa vision noire du christianisme, afin que nous puissions comprendre. Bien que discret et passablement casanier, il accepta facilement ma demande. Il m’expliqua, en effet, que depuis la mort de sa femme, il vivait une authentique recherche spirituelle et que celle-ci l’avait fort rapproché des moines de Chèvetogne. Et de fait, la rencontre et l’échange entre Didier Comès et le doyenné, furent un beau moment d’écoute et de partage. .

Didier Comès est décédé ce matin. Il a rejoint l’éternel « Silence » (titre d’un de ses livres). Prions pour lui et avec lui.