Madame Lalieux, expliquez-moi…

Madame,
J’ai lu le rapport de la Commission parlementaire que vous présidiez et – à quelques points près (voir ‘post’ précédant : « Eglise et abus sexuels : trois considérations pour contribuer au débat) – j’ai trouvé qu’il abordait le drame de l’abus sexuel avec le ton juste. Expliquez-moi donc votre impatience actuelle à voir l’Eglise catholique réagir à la proposition de constituer un tribunal arbitral. Pourquoi ne manifestez-vous pas la même impatience par rapport aux autres institutions visées par votre rapport ? Vous répondez en déclarant : « J’entends bien qu’ils réfléchissent à la mise en place du tribunal arbitral mais cela fait un an, depuis le rapport Adriaenssens, qu’on attend. Le parlement et la société n’attendront plus des mois ». Madame, souvenez-vous que le rapport Adriaenssens n’a été possible que parce que, des années plus tôt, l’Eglise avait mis en place une Commission interdiocésaine. Que beaucoup, y compris dans votre parti politique, étaient critiques par rapport à l’indépendance de cette initiative – alors que la Commission parlementaire en a salué la qualité du travail. Que la Commission Adriaenssens aurait pu poursuivre ce travail d’aide aux victimes, si elle n’avait été foudroyée en plein vol par des perquisitions, depuis déclarées illégales. Que lorsque les évêques ont proposé une nouvelle initiative pour répondre au rapport Adriaenssens, ils ont dû renoncer suite aux critiques venues de toute part. Qu’ils ont, dès lors, tout naturellement attendu les recommandations de la Commission parlementaire, avant de réfléchir aux nouvelles mesures à prendre pour aider les victimes. Qu’il est donc conforme à la vérité de reconnaître que l’Eglise catholique avait tenté de prendre ses responsabilités pour aider les victimes des abus sexuels et ce, depuis des années, mais que d’aucuns ne lui ont vraiment pas facilité la vie. Qu’il me semble pour cela plutôt normal de lui laisser un peu de temps – et pourquoi pas jusque fin juin ? – pour réagir aux recommandations de la Commission parlementaire. C’est d’ailleurs ce qu’écrit ce matin Guy Fransen en p.2 du Nieuwsblad: « Encore deux mois. C’est un délai raisonnable, si les responsables d’Eglise viennent avec une réponse valable et, en cas de rejet de la proposition parlementaire, avec une alternative réfléchie et négociable. Dans l’intérêt des victimes ! » Et le Rédacteur-en-chef du Nieuwblad de conclure : « Madame Lalieux ne trouve pas cela un délai raisonnable. Mais – sorry, je me dois de le dire – le monde politique peut-il encore s’arroger le droit de juger du délai raisonnable des autres ? » (‘Nog twee maanden. Dat is een redelijke termijn, op voorwaarde dat de Kerk met een valabel antwoord komt, en bij afwijzing van de parlementaire voorstellen een doordacht en bediscussieerbaar alternatief. In het belang van de slachtoffers! Mevrouw Lalieux vond dat geen eerlijke termijn, maar sorry, ‘t moet hier toch even van het hart. Heeft de politiek nog veel recht te oordelen over billijke termijnen van een ander?’) Ce que je ne comprends pas davantage, Madame, c’est votre déclaration en p.7 du Soir d’aujourd’hui : « Mais je le répète, j’isole Léonard, parce que d’autres responsables ecclésiastiques ont donné des signes encourageants de coopération. Ma réaction s’adresse donc à Léonard ». J’imagine que parmi ces responsables ecclésiastiques doivent se trouver les évêques de Tournai et d’Anvers, qui sont en charge du dossier. Justement, Monseigneur Léonard, au cours de l’interview de Pâques que vous incriminez, n’a fait que répéter que ces évêques étaient à la manœuvre et qu’il souhaitait les laisser diriger ce dossier. Donc, Madame, expliquez-moi : en quoi l’attitude collégiale de l’Archevêque vous semble-t-elle inacceptable ?

14 réflexions sur « Madame Lalieux, expliquez-moi… »

  1. Merci pour ce commentaire qui resitue la problématique avec une profondeur de champ.

    La myopie de certains (trop de) politiques, et leur continuel besoin de se mettre en avant (campagne électorale permanente) est irritant, et néfaste à la nécessaire sérénité des débats en cette matière, comme également en matière de « communautaire ».

    Evidemment, l’éditorialiste cité demande avec raison qui peut donner des leçons…

    Un certain Jean de la Fontaine avait parlé d’un coche et d’une mouche… c’est un peu mon sentiment quand j’entends Madame Lalieux.

  2. Une juste remise au point. Où va donc notre Belgique où il n’y a plus aucun garant démocratiques: On vote… pour rien (et pour des « moins que rien…) L’Église et l’État sont , en principe séparés, mais l’État devient plus « dogmatique » que l’Église et se mêle continuellement de tout…. La séparation des pouvoirs est menacée : Le politique se mêle de + en + du judiciaire… Les Journalistes nous font croire qu’ils sont les garants de la démocratie ? Hors il deviennent les mîtres d’une nouvelle dictature: la « Médiacratie. Merci Eric pour cette re »Mise au point » objective….

  3. Merci Eric de mener ce travail de discernement pour ceux qui cherchent à comprendre,
    Je viens justement de retrouver le texte d’un topo fait par – à l’époque – le professeur Léonard (et oui on l’aimait bien notre bon Léo ;-), s’intitulant « Pourquoi je crois en l’Eglise » dans le cadre des rencontres de Saint-Hubert. Il date de +/- 1985. Ce que je veux dire, c’est qu’à partir de ce moment j’ai commencé à vraiment AIMER MON EGLISE, à souffrir quand on la critique sans amour, sans regard de vérité.
    J’ai converti en MP3 la conférence alors enregistrée – avis aux amateurs.

  4. Moi aussi j’aime mon Eglise cible éternelle de certains médias et de certains politiciens , et je souffre aussi de la voir critiquée injustement !
    Merci Monsieur Denoël , j’aimerais de profiter de votre enregistrement de cette conférence de Monseigneur Léonard, lors des rencontres , au Sart Tilman
    Merci Eric de m’avoir appris à aimer l’Eglise , lors de tes cours et de tes conférences et grâce à tes livres.
    Merci Eric de défendre notre chère Eglise.
    J’ai souvent pensé comme toi que l’on met plus d’ardeur à critiquer l’Eglise que les autres institutions. Pepone et Don Camillo ne sont pas loin mais aujourd’hui ces attaques sont encore plus virulentes et injustes.

  5. La mauvaise foi de Madame Lalieux est évidente, mais il faut savoir qu’elle n’est elle-même que la courroie de transmission des traditionnels ennemis de l’Eglise.

  6. Ce n’est pas un blog, c’est un encensoir !!! Le réflexe de toutes les communautés qui sont critiquées à tort ou à raison, c’est de jouer à la victime, de chercher ailleurs une raison à leurs désarrois. Car, bien sûr, le dogmatisme, c’est toujours ceux qui mettent en doute le message actuel de la hiérarchie ecclésiale . « Les traditionnels ennemis de l’Eglise … », « … injustement critiquée … « . Une institution religieuse n’est pas une fédération sportive. Elle est critiquable, plus que toute autre institution car elle prétend être une autorité morale. Je défendrai bec et ongles le droit à chacun de pratiquer sa religion mais je me réserve le droit de reprocher aux autorités catholiques le sinistre comportement d’un de ses plus hauts représentants. Une faute peut être commise mais elle doit déboucher sur une sanction à la hauteur du délit. Il n’est pas sain de couvrir ces agissements ou d’en détourner le vrai sens dans un silence ouaté ou d’ assumer une petite part seulement à l’instar des clubs de sport. C’est insultant à la fois pour l’Eglise et pour les victimes. C’est même une forme aiguë d’orgueil. Il s’agit d’un prélat tout de même !!!

    1. Cher Gilbert, Merci de réagir. La preuve que ce blog n’est pas un encensoir, c’est que votre commentaire y est tout naturellement « approuvé ». Ceci étant dit, je présume que ce commentaire ne s’adressait pas à mon ‘post’, mais à certaines réactions. Car, si vous prenez la peine de me relire, vous noterez que je ne me situe pas du tout au niveau de votre réaction. Je pose des questions bien précises et n’ai reçu, à ce jour, pas de réponses à celles-ci. Quant à la faute de l’ancien évêque de Bruges, le Nieuwsblad et le Standaard de la semaine dernière ont publié un récit détaillé des trois jours précédant sa démission. Si jamais vous lisez le néerlandais, allez y jeter un coup d’oeil: vous verrez que le rôle joué par les évêques et votre serviteur, n’avait rien d’un « silence ouaté ».

  7. Lalieux à Léonard en commission page 443: « Je vous ai dit que nous ne pouvions et que nous n’allions rien vous imposer.
    Nous respectons la séparation de l’Église et de l’État et la séparation des
    pouvoirs qui nous a amenés à constituer cette commission par rapport à l’Église
    et à la Justice. Nous respectons cela. Donc, n’attendez pas qu’on vous impose
    quelque chose. Cette commission n’est pas là pour ça et elle n’a pas l’autorité
    pour le faire. » Même Me van steenbrugge est contre ce tribunal arbitraire:  » je n’ai pas besoin de cette procédure arbitrale. Le droit belge suffit » le soir du 29.04.11/ ma position est la même cfr mon livre http://www.scribd.com/doc/54146252/27av ex. p. 170

    1. Tout le monde s’accorde pour reconnaître la primauté de la justice. Chaque citoyen a le droit de saisir les tribunaux. La question est de permettre aux victimes qui ne peuvent plus le faire à cause de la prescription, d’avoir néanmoins une forme de recours en vue d’une reconnaissance. La commission Adriaenssens était là pour cela. Je constate que nombre de critiques de cette Commission ecclésiale ont salué le rapport de celle-ci. La Commission parlementaire propose maintenant la mise sur pied d’un tribunal arbitral. Dans son principe, cela participe de la même philosophie que la Commission inter-diocésaine.

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