Marcher pour la vie (La Libre 22 mars pp.54-55)

Dr Cécile Deneyer, Monique Roisin, Eléonore Delwaide, Monique de Thysebaert, Anne Schaub, Michel Ghins, Charles Delhez, Bénédicte Gillis, Eric de Beukelaer, Carine Brochier, Laetitia Pouliquen, Xavier Muller, Dr Timothy Devos
et les moins de 30 ans : Michel de Keukelaere, Coralie Schaub, Domitille Trufin, Amandine Stas, Aude Gosset, Amandine Balland, Dominique Héron.
Collectif “marchforlife”

Ce dimanche 27 mars 2011, la deuxième Marche pour la vie partira de la place Royale à Bruxelles. L’année dernière, l’événement avait réuni près de 2000 participants. Les médias en parlèrent, insistant sur la présence du nouvel Archevêque. Derrière les commentaires de presse perlait souvent une incompréhension : plus de 20 ans après le vote de la loi dépénalisant l’avortement et mis à part quelques intégristes obtus, quel citoyen normalement constitué pouvait encore remettre en question “le droit fondamental de toute femme à disposer de son corps” ? Poser les termes d’un
débat, c’est choisir son terrain. Parler d’avortement en termes de “droit de disposer de son corps”, c’est obscurcir le fait que toute IVG met en jeu un autre droit, bien plus important encore : celui de vivre. Une société fondée sur les droits humains peut­elle déclarer sans mauvaise conscience qu’une vie commençante n’est pas inviolable durant le premier tiers de la grossesse (12 semaines), comme c’est le cas actuellement en Belgique ? Avec cette vie, nous partageons une même dignité. A ce titre, elle requiert notre total respect et solidarité.
A cela, il est régulièrement objecté que – bien entendu – l’avortement est un mal, mais qu’il s’agit du “moindre mal” face à certaines grossesses non planifiées. Tel fut l’objectif annoncé par le législateur : la dépénalisation partielle de l’interruption de grossesse était prévue comme un recours exceptionnel pour répondre à la détresse de la femme dans certaines conditions strictes. Or, comme il était à prévoir, la volonté du législateur fut détournée. Une illustration éclatante de ceci est offerte par la récente circulaire envoyée – en violation du principe de neutralité – par l’administration de la Communauté française à toutes les écoles, afin de servir d’outil didactique aux élèves du secondaire. Cette circulaire était intitulée “Droit à l’avortement en Belgique”. Or, parler aux élèves d’avortement en termes – non
plus de dépénalisation – mais bien de “droit” constitue déjà en soi un dangereux glissement sémantique. Celui­ci trompe les jeunes générations en banalisant un acte grave aux conséquences psychologiques non négligeables (1). Cette banalisation est renforcée par la quasi gratuité de l’avortement. Pour des adultes, celui­ci est même moins cher que la contraception. En effet, sur un coût total de 413,10 euro, la femme qui se fait avorter devra débourser 3,20 euros (et 7 vignettes de mutuelles). Au­delà du délai légal, la brochure rappelle même qu’un avortement reste légalement possible aux Pays­Bas et ceci jusqu’à deux tiers de la grossesse (24 semaines, soit la limite de viabilité). A la question “Trop tard… Quelle solution ?”, la brochure suggère deux options aux élèves : recourir à l’avortement ou proposer l’enfant à l’adoption. Nulle mention n’est faite de la condition d’“état de détresse” imposée par la loi. Le simple fait de tomber enceinte en étant jeune semble impliquer pareil état de détresse. Ensuite, alors que la brochure renseigne abondamment sur les possibilités d’avortement (avec des mots aseptisés tels que “contenu de l’utérus”, ou d’“ovule fécondé”), aucune information n’est fournie sur les modalités d’une proposition à l’adoption. Aucune réflexion, non plus, sur le fait que les couples désireux d’adopter sont nombreux et doivent souvent se diriger vers l’étranger, par manque de possibilités en Belgique (2). Enfin et surtout, la première possibilité semble la grande absente de cette brochure : “je garde l’enfant… comment la société peut-elle m’aider ?” Pour couronner le tout, à la question de savoir quelles sont les menaces qui pèsent sur l’évolution de l’avortement, les élèves apprendront dans le dossier pédagogique que le danger vient des “lobbys religieux au
Parlement européen”. Ben voyons. Vous avez dit : respect de la neutralité ?
Face aux protestations, les promoteurs de là­dite brochure ont argumenté que celle­ci était neutre, car uniquement informative. S’il en est ainsi, nous proposons qu’une autre brochure informative soit également envoyée à tous les établissements scolaires, en ce compris ceux du réseau officiel. En résumé, voici quels en seraient les arguments : “Il n’y a pas de bien plus précieux que la vie humaine. Voilà pourquoi, celle­ci se doit d’être protégée dès son origine. Ceci implique d’éduquer chaque élève à être responsable de sa sexualité. Bien davantage qu’une hygiène du corps, la sexualité est appelée à être langage de l’âme. En cas de grossesse non planifiée d’une élève, la première chose à faire, est d’accueillir la jeune fille et de l’écouter, sans jamais la culpabiliser. Il est également important de lui rappeler que l’avortement, présenté par certains comme une possibilité, n’est pas pour autant une réponse adéquate. Que le chemin qui consiste à porter cette grossesse à terme, afin de garder l’enfant ou, à défaut, de le confier pour adoption, est sans doute plus difficile à court terme. Qu’à long terme, cependant, cette voie est davantage porteuse de sens et donc de bonheur, car elle permet de sauvegarder une vie à naître”. Pareil message ne serait nullement contraire à la ”neutralité”, vu qu’il respecte l’esprit de la législation sur la dépénalisation de l’avortement, qui considérait celui­ci comme un ultime recours et non comme un droit banalisé. Pourtant, il y a fort à parier qu’envoyé par l’administration à tous les établissements scolaires, il provoquerait un tollé général et que d’aucuns exigeraient la démission de la Ministre. Pourquoi ? Parce que nous vivons dans une société où la mentalité abortive s’est généralisée et où l’avortement est banalisé. Tous ceux qui pensent que, bien loin d’être une avancée, pareille banalisation est une atteinte à la valeur sacrée de toute vie humaine, sont invités à se joindre ce dimanche 27 mars à 15h à la Marche pour la vie (3). Elle se veut une démarche citoyenne paisible, moderne et décomplexée. En effet, bien loin d’être passéiste, la défense de la vie est et reste un combat d’avant garde. La défense de la vie n’est d’ailleurs le monopole, ni des cathos, ni des chrétiens, ni même des croyants. Elle rassemble des citoyens conscients qu’un des socles de notre civilisation est la défense de l’inviolabilité de toute vie humaine.

(1) Un dossier sur les conséquences psychologiques de l’avortement, publié par l’Institut Européen de Bioéthique peut être consulté sur http://www.iebeib.org/fr/document/les­consequencespsychologiques­de­lavortement248.html
(2) Signalons le beau film “Juno”, maintenant disponible en vidéothèque. Il montre l’exemple d’une jeune fille enceinte qui confie son enfant dès la naissance à l’adoption.
(3) http://www.marchforlife.be

3 réflexions sur « Marcher pour la vie (La Libre 22 mars pp.54-55) »

  1. Il y a toujours une question simple que les journalistes oublient de poser aux chrétiens « pro-life » ou aux Evêques se présentant contre l’avortement.

    Estime-t-il qu’il faut pénalement condamner les femmes qui avortent ? à combien d’années de prison ?

    Je suis convaincu qu’une réponse embarassée suivra signifiant qu’il ne s’agit pas de « juger », etc.

    Donc de facto : un accord avec la loi dépénalisant l’avortement.

    1. Ce n’est pas le propos de cette opinion. Il s’agit de secouer le cocotier par rapport à la banalisation d’un acte tragique. Ici, c’est la conscience sociale qui est alertée, pas les parquets. La dépénalisation ou non, est un autre débat. Personnellement, je plaiderais pour un interdit social, mais pas correctionnel; une sorte de tolérance, comme il en existe dans d’autres domaines, mais sur fond d’un « non » de principe qui rappelle, au moins symboliquement, le principe fondateur de l’inviolabilité de toute vie humaine.

      1. Voilà une réponse qui a tout son pesant. La discussion doit évidemment distinguer le niveau législatif et le niveau moral. Le dialogue de sourds que j’ai entendu sur le forum de midi de la RTBF, démontre vraiment la confusion permanenta de ces 2 niveaux…

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